Pubbl. Gio, 24 Dic 2015
Le racisme et la société: un lien indissoluble? Une lecture à la lumière de la pensée de Michel Foucault.
Modifica paginaBrève analyse de la pensée de Michel Foucault: le biopouvoir et le racisme.
"[le Tsigane]n'est pas défini tel qu'il est, mais tel qu’il est nécessaire qu’il soit pour des nécessités d’ordre sociopolitique"
(Liégeois, J.-P. (2009). Roms et Tsiganes. Paris, France : La Découverte, p. 30)
Dans le dernier article qui n'a pas encore été traduit dans la langue française ("Le conseguenze della segregazione nella società odierna" du dimanche 31 mai 2015), j’ai essayé de décrire et d'expliquer la relation spéciale qui a surgi dans ces dernières années entre les groupes de Roms et le reste de la population. Dans cet article-là, j'avais affirmé que cette relation est particulièrement complexe en raison principalement d'une sorte de "distance" qui a surgi entre les individus appartenant à ce groupe ethnique et ceux qui ne lui appartiennent pas. Cette distance a été augmentée par la concentration des Roms, dans les espaces coercitifs et non ouverts des camps Roms. Le camp Roms, alors, est devenu le symbole de cette distance sociale et culturelle.
En résumé, la création des camps Roms et leur localisation est le résultat d'une série de choix juridiques et politiques, que dans l’article précédent, j’ai tenté de définir. Ces choix, j’avais conclu, étaient les véritables responsables de la difficile relation entre les Roms et le reste des citoyens.
Est-ce vraiment le cas, ou plutôt, la situation est tellement simple ainsi que je l'ai soulignée? Je veux dire : est-il possible que ces choix politiques et juridiques, auxquels j’ai attribué la responsabilité de cette vague de haine raciste (et pas seulement contre les Roms), doivent être inclus dans le cadre d'un processus plus large et durable?
Je peux dire que cette question a été traitée quarante ans avant moi par un grand auteur : Michel Foucault. J’oserais dire aussi que le grand philosophe français n’aurait pas été surpris par les derniers événements. En fait, Foucault a consacré beaucoup de ses plus célèbres cours au traitement de cette thématique. A partir de ses considérations, je voudrais tenter de mieux comprendre la situation actuelle, afin d'essayer de faire la lumière sur quel processus a rendu possible l'éternel retour des idées et des choix basés sur la "race" de certains sujets. Alors: pourquoi la société a besoin d'un "discours raciste"?
Pour répondre à cette question, il est nécessaire de prendre du recul, en réfléchissant sur la façon dont, à partir du XIXe siècle, les États modernes ont repensé le rapport entre qui commande (le pouvoir) et qui est commandé (le peuple). En fait, si pour Foucault le plus grand changement a eu lieu au cours de cette phase historique, c’est par rapport à la nature de ce délicat rapport. En ce sens pour Foucault, avant les États modernes, le pouvoir (le roi, le seigneur féodal, la noblesse) avait une loi sur la mort de l'individu, mais omettait toutes les disciplines de "façon de vivre". C’est seulement avec le XIXe siècle que nous pouvons observer qu' au pouvoir on attribue le droit sur la vie, sur la façon de vivre, mais pas sur la mort: il y a un droit du "souverain" sur la vie, la façon de vivre de l'individu, mais il n’y a plus la possibilité de causer la mort de l’individu.
Cette transformation fondamentale peut être observée dans le droit qui, comme toujours, est l'explication formelle de rapports de force du pouvoir dans une société. Dans les structures de l'Etat "pré-modernes" (les monarchies, les féodalités, les royaumes, etc.), en fait, c’est le souverain qui a le droit de tuer, et d'établir la manière de la mort du sujet. Dans ces Etats pré-modernes, chaque "infraction" était considérée comme une insulte directe au corps, à la vie du roi et de son royaume. En fonction de ce fait, le souverain avait aussi le droit de priver ses sujets de la vie de la façon qu’il considérait plus juste. Dans ce contexte, il faut considérer l'exécution sur la place devant le peuple, avec lequel on exprimait ce rapport de force, ce droit de tuer.
Pour Foucault, toutefois, l'État moderne apporte un changement fondamental dans le rapport de pouvoir ou, en tout cas, à l'objet de ce rapport : le gouvernement est capable de décider comment l'individu peut ou doit vivre. C'est-à-dire l'homme-qui-vie et non plus l'homme-qui-meurt est le nouvel objet du pouvoir. Plus précisément, la population est considérée comme un groupe d'individus plutôt que l'individu lui-même (le condamné en place) qui doit être discipliné, régularisé et contrôlé, pour être, dans la pratique, le nouvel objet du pouvoir. A partir de ce moment-là, la technologie et la connaissance sont orientées pour trouver des façons d'organiser ce groupe. On maximisera, à cet effet, tous les moments de la vie humaine, depuis la naissance et son contrôle jusqu’aux maladies et le soin d'eux-mêmes . On délimitera et on exclura tous les sujets inutiles et contre-productifs pour le système comme les criminels, les malades (mentales et d’autres typologies) et les usagers de drogues. Tous ces sujets seront destinés aux espaces appropriés exclus des "sujets sains", dont la vie continue normalement selon la volonté du pouvoir. De cette façon, on créera, ou tout au moins on adaptera, un certain nombre d'institutions afin de décider comment la population vit - des institutions telles que les casernes, les hôpitaux, les écoles publiques, la police, les grands hôpitaux psychiatriques, etc.
Dans le même sens se pose nécessairement pour le penseur français, un autre processus de changement qui est inextricablement lié à la métamorphose du pouvoir: la disqualification de la mort et de la violence. En fait, au sein de la société, la mort et la violence deviendront quelque chose d’absolument choquante et honteuse. Comment on peut noter dans les sociétés actuelles, la "façon juste de mourir" sera après une vie considérée comme "juste" : cette vie aurait été vécue selon la nouvelle discipline du pouvoir et, en particulier, non par la violence du souverain.
Le pouvoir renouvelé a donc une nouvelle limite qui est la fin de vie, ayant, cependant, acquis tout ce qui a eu lieu avant cet événement-là. L'exemple le plus évident de cette disqualification est précisément l'abolition, dans presque tous les systèmes juridiques actuels, de la peine de mort. Pour d'autres exemples il suffit de penser que le suicide et l'avortement ont été récemment acceptés par les systèmes juridiques des Etats européens.
Après avoir défini ce passage fondamental, on retourne au point de départ: quelle est la relation entre le racisme et ce "nouveau pouvoir" ? Pourquoi est-il si important?
Le problème doit être vu sous cette forme: dans quelles situations il est permis à ceux au pouvoir de "tuer" quand, comme aujourd'hui, la mort est discréditée? C’est simple: avec la création des bases pour un discours raciste pour lequel les "autres" - la race et les groupes ethniques qui sont perçus comme ennemies- se sont rendus coupables d'une attaque à "notre" vie. Cette "réponse" devient l'échappatoire qui requalifie et qui rend acceptable la mort: la mort est considérée comme "scandaleuse" seulement quand affecte une personne de notre communauté, après une vie vécue selon les règles.
Il faut préciser que la "mort" dont parle l'auteur français par rapport aux "autres", dans un des passages du livre "Il faut défendre la société", est non seulement celle "directe". La race qui n’est pas acceptée, celle qui se trouve dans notre imaginaire, elle "attaque notre vie", elle est coupable de n’être pas disciplinée comme nous sommes. Cette race est faite "mourir" très souvent avec la mort juridique qui est l’exclusion du territoire.
En ce sens, selon le penseur français, on voit renaître le discours raciste qui se connecte à ce qui est le premier besoin de l'Etat et sa sécurité, même si l'attaque n’est pas vraiment une attaque. Dans cette évolution, cependant, ce nouveau racisme change par rapport à son origine de simple mépris raciste pour les traditions ou les apparences d'une autre ethnie. Le "nouveau racisme" est concentré dans un discours de ou "nous" ou "leur" sous la forme d'une attaque que nous sommes obligés de nous défendre.
Pour Foucault, cette nouvelle forme du "rapport du pouvoir" (le droit à la "façon de vivre", la disqualification de la mort et l’acceptation de l' homicide à motif raciste) eut, comment le plus grand exemple historique, le régime nazi. Dans ce régime, il y avait une règlementation omniprésente et absolue de la vie des citoyens (du "nous", les disciplinés) qui s’opposait à une possibilité absolue de tuer, directement et indirectement, l’appartenant à une race différente (un Juif ou un Rom) comme la personne qui n'acceptait pas ou ne pouvait pas accepter la "façon de vivre" (les usagers de drogues, les homosexuels, les opposants politiques, les malades mentaux, etc.).
Malheureusement, non seulement dans l'exemple traumatique du nazisme Michel Foucault voit la corrélation de ces nouvelles pratiques du pouvoir (les "techniques du pouvoir" tel que visé par le même auteur), mais il voit aussi, même si de différentes façons, le même exemple dans toute société occidentale moderne. Enfin, alors, nous pouvons faire une considération par rapport aux événements et aux discours de matrice raciste qui bombardent constamment les journaux télévisés et les journaux nationaux. Nous pouvons les identifier comme la dernière et le plus actuel résultat de l'évolution décrite par Michel Foucault : à mon avis, dans ce cas, la distance qui a surgi entre les citoyens Italiens et les Roms (et les immigrés), c’est seulement le résultat de ce "nouveau pouvoir".
Le point est que trop de fois nous avons vu, également dans l'histoire précédente, les conséquences terribles de la disqualification de la vie et la valeur de l’existence de certains êtres humains en raison d’autres êtres humains. A mon avis, c'est donc nécessaire de se poser une question, à laquelle, encore une fois pour qui écrit, c’est nécessaire de donner une réponse rapide: La société peut-elle vivre sans l'exclusion? Ou plus simplement, c’est raisonnablement possible de séparer notre société de ce "nouveau racisme" et pourquoi est-il si difficile à faire?
Approfondissements
M. Foucault, Poteri e strategie. L’assoggettamento dei corpi e l’elemento sfuggente, Mimesis, Milano 1994.
M. Foucault Surveiller et punir: Naissance de la prison, Gallimard, 1993.
M. Foucault Il faut défendre la société, Seuil, 1997.