ISCRIVITI (leggi qui)
Pubbl. Ven, 1 Apr 2016

Constitution et laïcité en Italie: un court-circuit démocratique?

Modifica pagina

Margherita Masotti


Une analyse critique de l’article « Laïcité comme principe juridique et Constitution » du Prof. Gianfranco Macrì


«Mais si la laïcité veut signifier que dans la vie publique il n’y a pas de place pour Dieu, c’est une grande erreur. Les institutions politiques et les institutions religieuses possèdent leurs sphères propres. Cependant les valeurs fondamentales de la foi doivent se manifester publiquement, non par la force institutionnelle de l’Eglise, mais par la force de leur vérité intérieure. Si la laïcité veut exclure la religion, c’est une mutilation de l’être humain.»

J. Ratzinger, interview de 2001 dans "Le Figaro"

«Je dirais que la démocratie n’est pas un concept générique, mais plutôt un concept ambigu. On fait face à cela comme s’il s’agissait de la même situation à Athènes pendant le cinquième siècle; comme s’il était toujours et partout clairement compréhensible.»

G. Agamben, Interview au Red Notebook et au Ενθέματα της Αυγής [Bourgeons de l’Aube]

 

Sur un connu site en ligne de philosophie (cité dans la bibliographie), le professeur Gianfranco Macrì [1], associé de droit public de l’Université de Salerno, a abordé un sujet brûlant et actuel d’un point de vue «constitutionnel» dans un article très intéressant: le problème de la laïcité dans une société, comme celle de l’Italie, dont on prédit un avenir «multiculturel».

Selon l’auteur, cet article a pour objectif de rechercher les principes de la laïcité en Italie, principes qu’il faudrait «traduire» pratiquement, pour qu’il soit possible de trouver des solutions normatives aux problèmes «pratiques» du pluralisme social (mais aussi culturel et religieux: habillement, alimentation, lieux de culte, symboles, jours fériés, etc.). Seulement cela permet de revitaliser l’espace (politique) de la démocratie et d’alimenter conséquemment les « capacités inclusives » sous-jacentes à la valeur/signification attribuée (surtout par la jurisprudence constitutionnelle) à la laïcité italienne.

Donc, si j’ai bien compris, l’intérêt de l’auteur était celui de rechercher dans la laïcité ses principes fondamentaux (surtout au niveau constitutionnel) et l’effective mise en œuvre de ces derniers. Par contre, mon article vise à souligner d’un côté la quasi-impossibilité de l’existence de la pensée constitutionnelle «laïque» et d’une méthodologie également laïque; de l’autre, il montre la forme démocratique comme un frein pour la laïcité et, par conséquent, pour la démocratie elle-même. On commence, donc, à analyser cet article.

Aussi le professeur signale-t-il correctement que la Constitution italienne a des points de force solides, de sorte qu’on peut «contenir» les dynamiques du «présent cosmopolite et de l’avenir de la démocratie inévitablement interculturel». En effet, les articles 11 et 117, qui sont liés à la vocation européenne et communautaire de la Constitution, ont été justement cités dans l’essai: ils expriment la volonté/objectif d’éliminer tous les éléments présentant de traits discriminatoires. Tout cela entraîne toujours une perspective de renouvèlement et d’autocorrection du système, typique de la démocratie constitutionnelle: «cette «vocation» (toujours précaire) à la composition – représentative des démocraties libéro-démocratiques- se constitue de mots (rectius- de valeurs/principes), dont la caractéristique principale réside dans le fait qu’ils ont une force telle que revitalisent constamment le circuit démocratique; en outre, ils peuvent être déclinés selon des instruments techniques différents entre eux (droit, politique, philosophie, histoire, sociologie, etc.). Voici la laïcité en tant que «narration» des vertus transformatives du constitutionalisme – dont la cohabitation parmi les cultures différentes représente l’enjeu le plus considérable- et en tant que «antidote» contre toutes les vérités à priori.»

Pour qu’il y ait un renouvèlement constant, il faut une structure méthodologique qui puisse faire circuler et modifier ce pluralisme : «le canon de la laïcité [...], mais comme «méthode» (N.Bobbio) ou «attitude» des pouvoirs publics à valoriser, dans le cadre ample de la légalité constitutionnelle, les différentes options culturelles et religieuses sans s’identifier à aucune de celles-ci.» À cet égard, l’activité de la Cour Constitutionnelle est essentielle, puisqu’elle actualise et «diffuse» le principe de laïcité dans la Constitution et dans les lois y compris: par exemple, dans l’arrêt n. 203/1989, la Cour Constitutionnelle signale la laïcité comme principe suprême de la Constitution italienne (et, donc, comme principe immuable et qui ne peut pas être exclu de la carte, sans même se servir des moyens prévus par l’art. 138 de la Const.)

Après 1989, la Cour Constitutionnelle a continué efficacement à insister sur ce point et à clarifier que : «il ne faut pas établir de différences de traitement parmi de confessions religieuses, en se basant sur le seul critère numérique et sociologique (arrêt n.925/1988, 440/1995, 508/2000); il faut reconnaitre la juste importance et protection à la pleine réalisation de la liberté de conscience de toute personne, dont les éléments ne concernent pas seulement le champ de la laïcité (arrêt n. 149/1995, 334/1996, 329/1997); il ne faut pas établir de distinctions et d’inégalités de traitement parmi les confessions religieuses avec ou sans entente (arrêt n. 195/1993), en recourant à une gamme d’options sémantiques et prévoyantes dûment individuées (la «forme associée» de la profession de foi religieuse prévue à l’art. 19; les associations ou institutions de nature ecclésiastique, religieuse ou de culte prévues à l’art. 20; les confessions religieuses prévues à l’art. 8), afin de mieux identifier les différentes «formes collectives» de religiosité.

Cependant, l’analyse approfondie du professeur Macrì termine par une considération qui semble ramener en arrière les pas prévoyants de la Cour Constitutionnelle par rapport à l’application de la méthodologie de la laïcité : parce qu’ «on est encore loin de l’énucléation d’ «un niveau minimum notable et effectif pour la sauvegarde de la laïcité» et de la même liberté religieuse dans le champ «euro-unitaire» (Union Européenne, Conseil d’Europe)».

C’est à partir de cette dernière constatation que je voudrais commencer à faire de commentaires à propos de l’article de Macrì.

Il parait, donc, que la laïcité est très loin de son application : si un principe suprême de la constitution garantit une méthodologie laïque, pourquoi on est tellement loin de la possibilité d’un système juridique laïc?  La réponse est simple: la seule méthodologie n’est pas suffisante, surtout quand le système entier, avec ses valeurs historiques et étiques, est mélangé avec l’Église catholique. En résumé, la méthodologie laïque (comme, par exemple, celle qui concerne la mise à jour constitutionnelle de la Cour) ne peut pas fonctionner dans un système de nature catholique, où la plupart des citoyens sont catholiques et tous les autres sont nés et ils ont grandis en contact avec les valeurs catholiques.

La Constitution aussi devrait préserver la «sacre laïcité» et elle-même est naturellement empreinte de valeurs d’éthique chrétienne. Par exemple, l’art. 29, premier alinéa de la constitution, stipule: «La République reconnait les droits de la famille comme société naturelle fondée sur le mariage [monogame, vu qu’il est le seul approuvé du droit selon l’art. 29]». Il est clair que cet article serait très différent, si l’Italie était un pays majoritairement mormon (où la polygamie est bien acceptée). Toutefois je crois que, même s’il avait été créé dans une perspective laïque, il aurait été également différent. Cela sert à dissiper les mythes selon lesquels: il y a une la constitution aseptique et équidistante par rapport à l’affirmation de l’importance du discours religieux en Italie; on est effectivement à l’intérieur d’un système laïc et équidistant de la cohabitation de religions différentes.

On peut espérer seulement cela: la laïcité entendue comme «un espace public où tous les citoyens, croyants ou non-croyants, comparent des arguments et suivent des procédures de décision de commun accord, sans que leurs propres vérités de foi ou leurs convictions prévalent autoritairement» [2]: il s’agit, donc, du principe démocratique essentiel qu’on utilise dans tous les champs du discours éthique à l’intérieur des États démocratiques européens. Il est alors évident qu’il n’y a pas d’espace pour affirmer une nouvelle et effective laïcité en Italie à travers ce principe, mais seulement un retour à la démocratie.

Il faut, donc, évaluer plus attentivement les mécanismes démocratiques de sauvegarde.

Par exemple, si on pense au cas emblématique du crucifix dans les écoles, hôpitaux et tribunaux, il est difficile de trouver et garantir une juste solution acceptée par toutes les religions, puisqu’on est dans un pays majoritairement chrétien, où autant de juges que de parlementaires, qui promulguent les lois, sont chrétiens. En outre, dans ce cas, la question est très liée au pouvoir et à son lien connaturel avec l’espace : en effet la valeur symbolique du crucifix qui domine «politiquement» l’espace public est «nécessaire» beaucoup plus qu’on ne le pense, puisqu’il sert à maintenir le lien –apparemment indissoluble- entre vie publique et vie religieuse. Penser que cela représente une bataille contre les traditions chrétiennes de l’État, c’est seulement un casse-tête conceptuel: la tradition (surtout celle qui est symboliquement exprimée) est souvent le voile derrière lequel se cachent les «pouvoirs», qui résistent au cours du temps.

Donc, la raison pour laquelle la laïcité ne se concrétise pas en Italie réside dans le faux principe démocratique de protection des minorités: une protection souvent garantie par une faible participation à un discours, où toutefois il n’y a pas un dialogue égalitaire. Il faut aussi admettre qu’il est toujours difficile de demander à des croyants une pensée aseptique dans un dialogue démocratique, surtout quand on débat à propos de sujets délicats pour leur religion.

Alors le problème est sérieux, puisqu’il est compliqué de conjuguer le relativisme de la démocratie aux principes absolus de la vérité catholique, le droit naturel au droit «positif »; à ce propos Zagrebelsky [3]: «si on prétend la généralisation du droit naturel (ndt. au moins dans la variante chrétienne) à toute la société, pendant qu’on vit le temps du pluralisme et, encore, du multiculturalisme […], on ne promeut pas la cohabitation, mais on la secoue de ses fondations. De ce point de vue, l’appel au droit naturel est un cri de guerre civile, un appel à la séparation, à la discrimination.».

Il est évident que cette problématique (soulevée pendant plusieurs moments historiques, mais arrivée probablement au point de fracture), dont on parle Macrì, représente un problème très actuel; en outre, il est -à mon sens- difficilement résoluble, si on fait confiance aux schémas du passé et à de solutions provenant de logiques, qui désormais ne prennent pas en considération les plusieurs demandes de changement actuel (non seulement pour obtenir plus de liberté, mais aussi pour s’opposer à un retour de l’éthique chrétienne). Par ailleurs, les prévisions méthodologiques, bien qu’elles soient positives et nécessaires, restent bloquées au niveau théorique, devant à un système de droit ayant logiques inévitablement différentes. Pour mieux comprendre, il suffit de penser aux enjeux des nouvelles technologies (par ex., l’insémination artificiel), des nouvelles idées démocratiques de la modernité (égalité de droits matrimoniaux/ adoptifs pour personnes LGBT) ou de l’actualité (migration).

En particulier, ces problématiques nous montrent le retard du mécanisme d’adéquation des valeurs constitutionnelles: un mécanisme qui, malgré les phases problématiques de l’actuel dialogue démocratique, ne fournit pas efficacement -et parallèlement aux exigences réelles- un filtre des valeurs différentes, et souvent conflictuelles, des individus. Il faut repenser la question et tenter de trouver de mécanismes d’adéquation de la loi, qui tiennent compte de comment le réel change rapidement: en effet, il y a des moments historiques où le droit (et ses procédures) n’arrive pas à maîtriser les demandes de changement.

En conclusion, je crois qu’il y a un problème ontologique entre démocratie (relativiste) et éthique chrétienne, qui ne peut pas être résolu en Italie, dont le système a été créé, géré et modifié dans le contexte de ses valeurs originelles. Conséquemment l’idée démocratique constitutionnelle laïque vit ce problème très actuel, qui démontre l’incapacité de répondre à temps et correctement aux nouveaux enjeux, puisqu’elle n’arrive pas à résoudre le conflit entre sphère laïque et sphère chrétienne. Pour cette raison les systèmes d’adéquation sont lents et souvent transitoires ou seulement théoriques. Ce qui peut garantir le principe suprême de laïcité (n.203/1989) et son application, c’est seulement l’espoir (très «chrétien») qu’on puisse parvenir dans l’avenir à une laïcité plus concrète et effective du système.

Je pense alors que ma conclusion peut être ainsi synthétisée : il est peut-être inopportun de penser que pour rendre un dialogue plus démocratique (dans le sens de plus «égalitairement participé»), il suffit de se servir d’ «instruments et mécanismes» démocratiques. En effet, les instruments ne tiennent pas compte du milieu historique, en agissant et analysant aseptiquement les situations par de logiques qui exaspèrent le sujet d’un changement extrêmement nécessaire aujourd’hui.