• . - Liv.
ISCRIVITI (leggi qui)
Pubbl. Mer, 24 Feb 2016

Le droit de common law et le droit de civil law: la Cour de la Chancellerie et la création du equity.

Modifica pagina

Simone Lonchiar


Comment est née et s’est développée la common law et quelles sont ses différences et ses analogies avec d´autres systèmes juridiques? Dans l’article précédent, nous avons vu l’origine de la common law et son évolution vers un système de justice centralisé. Dans cet article, nous allons traiter la Cour de la Chancellerie et le bouleversement qu’elle a apporté.


Sommaire: 1. Préambule. 2. La Cour de la Chancellerie 3. Equity et Équité (italienne) 4. Le Trust. 5. Le Trust et le droit interne 6. La mesure (du pied) du Lord Chancelier.

 

1. Préambule

Dans un précédent article (1), nous avons vu comment il s’est développé le système juridique anglais jusqu'à l'introduction des réformes sous la dynastie des Plantagenêts, y compris les questions de conflits entre les propriétaires de ius dicere. Avec la fermeture du registre des writs en 1258, cesse la phase de création des tribunaux de Westminster. Cela conduira à la naissance d'une juridiction de l'équité (equity), que nous allons traiter maintenant.

 

2. La Court of Chancery

Suite à la fermeture du registre des writs en 1258, le rôle central des tribunaux de Westminster commence à croître avec lenteur mais costanceCe changement s’explique par le recours aux forms of action qui impliquent la répétition de décisions, comme adhésion spontanée au précédent, et donc une affirmation du principe de légalité et de certitude du droit, qui est suivie par la prévisibilité de la décision. Cependant, un système aussi rigide ne permet pas une évolution rapide dans le domaine juridique, contrairement à ce qui se produit dans les autres secteurs de la société anglaise.

Pendant le règne de Henri III (1216-1272), on assiste à la séparation entre les cours de common law et le curia regis. Cette séparation conduit à la constitution de trois cours: le King’s Bench, la magistrature pénale qui juge sur la placita coroane (c'est-à-dire sur les causes de la couronne), selon la vision qui considère l’infraction comme une perturbation de la “paix du Roi”; la Court of Common Pleas en matière civile et l’Exchequer en matière d’impôts. En outre, les juges des trois cours de Westminster ne sont plus choisis dans l'administration mais parmi les narratores, c'est-à-dire les défenseurs (les ancêtres des Barristers actuels, c’est-à-dire les avocats plaidants) devant les mêmes tribunaux (2).

Au XVe siècle, à l'époque Tudor, l’Angleterre commence à s’imposer comme une solide puissance commerciale européenne et à entretenir de plus en plus de relations avec l'Europe continentale. Toutefois, ne trouvant pas de réponse auprès des cours, ancrées dans les anciens modèles, les nouvelles exigences juridiques s’adressent au souverain. Ce dernier, bien que formellement dépouillé du pouvoir du ius dicere (3), est submergé de demandes de grâce de la part de sujets, tels par exemple des pauvres qui ne peuvent pas s’adresser efficacement aux cours royales.

L'exercice de ce pouvoir rend alors nécessaire la création d’un bureau à cet effet. Le titulaire du poste ne pouvait ni ne devait rester sourd à la souffrance de ceux qui se plaignaient d’une injustice. La tâche semblait appropriée à celui qui connaissait au mieux l'esprit du monarque, lequel aurait sûrement été horrifié par les iniquités perpétrées et aurait rendu cette justice si ardemment invoquée. Cette tâche revenait au Lord Chancelier. Le choix ne fut pas aléatoire parce que le Lord Chancelier était un des plus proches collaborateurs du souverain. Il suffit de considérer que non seulement Le Lord Chancelier était au sommet de l'administration royale, mais qu’il faisait partie du conseil de la couronne et que, à l’époque, il jouissait généralement de la dignité épiscopale et était aussi le confesseur du roi, le keeper of the king’s coscience (gardien de la conscience du roi). Enfin, compte tenu de sa culture romano-canonique le Lord Chancelier avait les connaissances juridiques et éthiques nécessaires pour résoudre le problème.

Le recours au Lord Chancelier devient rapidement un recours à une instance juridictionnelle. La Cour de la Chancellerie fonctionnait en effet comme juge monocratique, sans jury et avec son propre personnel. En 1529, le premier Lord Chancelier fut nommé en la figure de Thomas More, et après lui tous ses successeurs furent juristes.

La procédure de la Cour de la Chancellerie était très semblable au modèle inquisitoire continental : elle était écrite (au moyen d’un bill, c’est-à-dire un projet de loi) ou orale, rapide et informelle. Face à la demande, si le Lord Chancelier considérait sa compétence comme fondée, on publiait un writ of subpoena par lequel on enjoignait le prévenu de paraître devant le tribunal (4). Le Lord Chancelier exerçait une juridiction de conscience qui visait à remédier au tort en agissant aussi sur l'âme du prévenu pour la purger de ses péchés. Son action était, donc, une action in personam: une fois que le coupable avait réparé son action injuste, tout s’était bien terminé. C’est pourquoi il n'était question ni de registre de contrôle sur la propriété ni de condamnations à verser de l’argent (5), ce qui aurait porté préjudice au patrimoine du prévenu, mais plutôt d’ injonctions à faire ou ne pas faire selon les circonstances du cas.

En l'absence d'un corpus législatif concernant l'équité, on appliquait souvent les principes de la morale chrétienne, selon laquelle on doit honorer ses engagements, on ne doit pas frauder le prochain, on ne doit pas profiter des faiblesses d’autrui et ainsi de suite (6). Cependant, pour respecter ces normes éthiques, le Lord Chancelier ne pouvait pas déroger ou contredire les règles positives établies par la common law et affirmer qu'elles étaient injustes. Voilà donc l'utilisation d'une construction juridique que nous appelons l'abus de droit: la règle est correcte en elle-même, mais c’est son utilisation que la rend injuste (7). Par exemple, si Tom avait promis de céder un terrain à Dick, mais sans que sa promesse ne soit suivie de la traditio, Tom continuait à être le propriétaire du terrain et Dick pouvait seulement obtenir une compensation équivalente au dommage subi. Toutefois, cela ne suffisaitpas à satisfaire l'intérêt de Dick, c'est-à-dire à obtenir la propriété du terrain, mais c’était la seule ressource que la common law lui permettait. La vision éthique de la situation, au contraire, permettait au Lord Chancelier d'émettre une injonction d’effectuer le transfert et, en même temps, d’ordonner à d’éventuelles tierces parties de s’abstenir de l’achat de cette res litigieuse.

 

3. Equity et l'Equité italienne.
 

Interrogeons-nous maintenant sur le rapport entre le concept d’equity et l'équité italienne. A première vue, on dirait que l’une est la traduction de l'autre et peut-être que atechniquement c’est le cas; toutefois en droit, on doit faire particulièrement attention à la traduction de termes étrangers pour éviter la confusion et la superposition des concepts. La doctrine italienne nous rappelle à cet égard que le traducteur d’un policier, peut traduire le terme attorney par Pubblico Ministero (procureur) ou legal estate par servitù (servitude), mais cette opération est déconseillée à ceux qui traduisent un texte juridique (8).

Dans le système juridique italien, en effet, l'équité n’est pas une source de droit, alors que ce rôle était autrefois joué par l’aequitas. Aujourd’hui le juge ne peut donc jamais de son chef ne pas appliquer la loi au nom d'un principe d'équité, étant donné que le principe de légalité (dans ce cas de subordination à la loi, voir. art. 101 alinéa 2 de la Constitution italienne) est mis en place pour garantir l'impartialité de la règle. Par ailleurs, il est notoire que le juge dispose de tous les outils nécessaires pour trouver la “juste” solution à l'affaire : les règles d'interprétation prévues par l'art. 12 des Disposizioni sulla legge in generale (Dispositions relatives à la loi en général), l'interprétation systématique, la technique de disposition combinée (prescription déduite par des références multiples aux normes qui sont intégrées l’une à l'autre), l'interprétation selon la Constitution, les principes généraux du système juridique et, enfin, le recours à la Cour constitutionnelle pour dénoncer le contraste d'une règle par rapport à la loi fondamentale (9).

Le critère équitable a, par conséquent, nature subsidiaire opérant sans l'accord des parties ou d'une disposition légale (comme dans le cas de l'art. 1374 cc -Code Civil italien), ou de la fonction résiduelle, ou même lorsque le critère juridique ne peut pas être suivi (Voir les articles. 1226 et 2056 cc, sur l’estimation des dommages et intérêts). En outre, l’équité peut également être invoquée du même côté comme dans le cas de la détermination de l'objet du contrat par un tiers (art. 1349 cc), ou dans le cas de la reconduction à l’équité du contrat régi par l’art. 1450 c.c. . L’équité peut aussi être utilisée d’office par le juge, comme dans le cas de la réduction de la clause pénale clairement inique (10). L’équité, en revanche, fonctionne comme une règle de jugement dans les cas prévus aux articles 113 et 114 du Code de procédure civile italien.

Même dans ces cas, cependant, le jugement en équité ne fonctionne pas ex se, sauf pour des procès concernant un montant inférieur à 1200 € devant le juge de paix, mais il doit être demandé par les deux parties et il doit porter sur des droits disponibles. Ceci s’explique par le fait que l'autorisation de décider selon l'équité est une sorte de renonciation à la tutelle de la loi (11) et donc elle doit concerner uniquement les droits dont on peut disposer librement; les droits de la personnalité, par exemple, sont donc exclus. Quoiqu’il en soit, le jugement en équité n’exclut pas l’application complète des règles écrites, et le juge devra de toute façon appliquer les principes de base en la matière (12).

 

4. Le Trust.

Occupons-nous maintenant de ce qui donna une forte poussée à la réussite de l’equity, c’est-à-dire le trust (la fiducie). En réalité, le trust a des origines anciennes puisqu’on peut identifier un antécédent dans le fidéicommis de succession du droit romain, et il n’est pas sans références même dans la culture juridique de l'islam avec la création du waqf comparable sous certains aspects aux fondations de bienfaisance (13). En Angleterre il commence à se développer au XIIe siècle à l'époque des croisades. A cette époque,en effet, quand un propriétaire terrien partait pour la Terre Sainte, il confiait à une personne de confiance la propriété de ses biens, y compris le droit d'exiger les taxes et de payer les impôts. Il était entendu qu’une fois rentré la propriété devait lui revenir. Le problème se posait souvent lorsque, à leur retour, les Croisés essuyaient un refus. Selon la common law, la propriété s’était installée chez un autre sujet et il n’y avait pas de solutions possibles. En effet, le passage de propriété a été construit sur le modèle de l'investiture, un acte unilatéral qui ne nécessite pas d’une indication précise de la raison du transfert (ou expressio causae). Au contraire, la solution imaginée par le Lord Chancelier, comme nous l'avons déjà vu, est basée sur l’injonction au titulaire de retransférer les biens qui lui avaient été confiés.

Cette institution est née non seulement pour résoudre ce genre de problèmes mais également pour protéger la confidentialité: les registres publics, en tant que tels, sont pratiquement visibles à tout le monde. Par conséquent, aucun writ ne permettait de ne pas figurer comme propriétaire.

L'institution du trust peut également être utilisée, avec les fins personnelles du propriétaire, mais pas de façon exclusive, en faveur d'une autre personne, tant physique que juridique. L'exemple classique (14) est une personne riche avec un seul héritier, un fils plutôt libertin et presque une brebis au milieu des loups. Le père décide de transférer l'intégralité de ses biens, en fiducie, à l’avocat de la famille, ayant convenu que ce dernier administrerait ses biens, et en même temps verserait une rente mensuelle à son fils après sa mort.

Nous venons donc de faire la connaissance des principales figures du trust: le père est celui qui fonde ou établit le trust (c’est-à-dire le settlor ou le constituant), le fils libertin est le bénéficiaire (beneficiary), tandis que l'avocat est le fiduciaire (trustee). L'idée du settlor est de protéger son patrimoine et en même temps d’assurer un niveau de vie satisfaisant à son fils. Mais, maintenant, demandons-nous ce qui se passe si le trustee, distrait par le patrimoine qu’il administre, succombe à la tentation de se comporter comme s’il était le propriétaire.

Pour la common law, comme nous l'avons déjà vu, il n’y a aucun doute à cet égard : l’avocat est devenu propriétaire à part entière, bien qu’il soit parvenu à ce résultat en violant la promesse faite à ceux qui avaient confiance en lui. Du point de vue moral, il n'y a aucune raison de ne pas croire que nous sommes en présence d’une véritable canaille mais c’est comme ça(15). L’intervention de la Chancellerie à travers l’injonction de restitution ne satisferait pas non plus le settlor qui retournerait au point de départ.

La solution du Lord Chancelier, qui semble sauver à la fois le respect des règles formelles et positive ainsi que des règles morales, est d'ordonner à l'administrateur désinvolte de "rentrer dans les rangs” et de se comporter comme un trustee et non comme un dominus. Dans le cas où les biens seraient aliénés en totalité ou en partie, on devrait faire une distinction selon le titre. Si la cession est à titre onéreux, le bien reçu, généralement de l'argent, remplacera le bien cédé, donc le trustee devra administrer correctement cette somme d’argent. Dans le cas où la cession serait à titre gratuit, la tierce partie, iussu iudicis (par ordre du juge) se retrouverait à la fois propriétaire et trustee.

Dans le cas où le trustee persisterait dans sa conduite contraire au trust, le Lord Chancelier pourrait relever le trustee de ses fonctions, et le remplacer par une autre personne considérée comme plus appropriée à ce poste (16).

 

5. Le trust et le droit interne italien.

L’admissibilité d'une telle institution dans le système juridique italienne fait pas l'unanimité de points de vues dans la doctrine.

Certains auteurs, favorables à l’introduction, insistent sur la donnée normative fixée par la loi italienne 364/89, de ratification et exécution de la Convention de La Haye de 1985 relative à la loi applicable aux trust et à leur reconnaissance.

En conformité avec l’article. 2 de la Convention, le trust est un "rapport juridique", qui a été créé par un acte inter vivos (c’est-à-dire un transfert ou un cadeau fait pendant la vie de la personne) ou un acte mortis causa (où un ou plusieurs sujets succèdent à la propriété du patrimoine ou aux droits individuels sur le patrimoine à l'ancien propriétaire, le défunt, après la mort de ce dernier). Ces actes placent les biens sous le contrôle d'un trustee dans un but spécifique ou dans l'intérêt du bénéficiaire. Une autre caractéristique de cette discipline réside dans la séparation patrimoniale entre les biens appartenant au trust et les biens appartenant au trustee. Enfin l’article prévoit l’obligation d’ “administrer, de gérer ou de disposer" des biens selon les modalités prévues par le trust lui-même et de rendre compte de ses activités.

Une autre partie de la doctrine, cependant, ne considère pas comme décisif le rappel à la loi 364 afin de confirmer l'admissibilité du trust. En effet, cette norme se limiterait simplement à prévoir d’une part l'efficacité et les conditions de reconnaissance pour un acte “étranger”, en énumérant les critères pour déterminer la loi applicable (17) et, d’autre part, à l’art. 11, comme résultat minimum de reconnaissance (18), la séparation des patrimoines, la capacité du trustee fiduciaire d'agir et de résister en jugement et la détermination de sa qualité devant un notaire ou l'autorité publique. Selon un auteur (19), les parties ne pourraient même pas recevoir le trust à travers la loi 218/95 (loi de réforme du droit international privé), puisque cette disposition a seulement une nature délimitante de la juridiction civile italienne.

On pourrait trouver dans l'art.2645 ter du c.c., introduit par le décret 273/05 et converti avec des modifications par la loi. 51/06, une institution qui, sous certains aspects (20), se rapproche du trust. Bien qu’ ils soient inclus dans le livre VI, consacré à la protection des droits, dans un titre qui réglemente la transcription, il est possible d’identifier certains actes par lesquels ces biens, sans changer formellement de propriétaire, sont liés “à la réalisation d’intérêts dignes de protection”(21). Ces actes ont été créés par un acte public, et ils ont une durée qui n’est pas "supérieure à quatre-vingt- dix ans ou [à] la durée de vie de la personne physique bénéficiaire."

La caractéristique particulière est précisément la destination, en faveur de sujets "faibles", comme les institutions de l’Administration Publique, ou les "autres personnes physiques", qui, sous certains aspects, rapprochent l'institution nationale du trust. Compte tenu de la contrainte particulière, ces biens seront attaquables seulement pour des dettes contractées dans ce but, sauf en cas de transcription précédente (22). Loin d'être définitivement résolu, on peut quoiqu’il en soit entrevoir dans la question un renforcement de l'importance de l'autonomie des parties et concrètement de la cause, que l’on cherchera cas par cas.

 

6. La mesure (du pied) du Lord Chancelier.
 

On devine facilement que la juridiction du Lord Chancelier reçut sans difficulté un solide consensus. Cette figure fut aussi accueillie favorablement par les common lawyers qui évitaient ainsi d’encourir le blâme à cause de prononcés formellement irréprochables mais essentiellement discutables, et ils évitaient même d'entrer dans les questions de fait, qui revenaient au jury. D'autre part, une procédure sommaire, inquisitoire, détachée d’une référence aux règles positives risquait de faire plus de mal que de bien. En effet, si l’equity peut satisfaire le besoin de “justice” dans le cas concret il est également vrai que le même procédé peut être utilisé pour échapper au “droit”. 

Les principaux risques (23) résident dans l'élasticité excessive des normes morales, dans la politisation de la charge (le Lord Chancelier restait un fonctionnaire royal, donc sous la responsabilité du roi) et, enfin, le caractère arbitraire des décisions du Lord Chancelier. À cet égard, on cite toujours l'aphorisme de Selden: "pour la loi nous avons une mesure… l’equity est appliquée selon la conscience du Lord Chancelier, et de son ampleur ou de son étroitesse dépendra l’equity. Si on devait créer une unité de mesure, que nous appellerons pied, le pied du Lord Chancelier ne serait-il pas une unité de mesure plutôt incertaine? Un Lord Chancelier a un long pied, un autre petit, un troisième ordinaire: le même raisonnement s’applique à la conscience du Lord Chancelier” (24). On doit aussi considérer les rapports entre les cours royales et la cour du Lord Chancelier: l'exemple paradigmatique est la cause célèbre impliquant le comte d'Oxford en 1615 (25).

Le college de la Madeleine avait vendu un terrain à Londres à la reine Elizabeth I, et ensuite au marchand génois Benedict Spinola. En 1580, Edward de Vere, comte d'Oxford acheta le terrain et il y construisit quelques maisons. John Warren prit en location une d’entre elles, mais le proviseur du college déclara qu’il pouvait disposer du terrain, donc Warren s’adressa aux cours royales.

Le chief justice (juge en chef) Coke considéra que le transfert initial était nul en violation d’un statue (13 Eliz. 10), et donc que le provisuer pouvait légitimement donner le bien en location. Pendant ce temps, le comte Edward mourut, et son fils et un autre locataire décidèrent de s’adresser à la Chancellerie. Le proviseur et nouveau locataire se refusèrent de comparaître et furent arrêtés pour contempt (outrage).

Le Lord Chancelier apporta une réponse dans le sens diamétralement opposé à celui de Coke: il émit en effet une ordonnance par laquelle il garantissait au comte et à ses ayants cause la sereine jouissance des biens. En partant du Deutéronome, l'ordonnance précise que la tâche du Lord Chancelier est d’amender la conscience humaine par l’élimination de la fraude, du manquement à la parole donnée et de ses torts. Son intervention n'a pas lieu en raison d'erreurs ou de lacunes dans le jugement, mais en raison de la dure conscience de la partie.

Le cas conduisit à une impasse. L'affaire arriva bientôt à l'attention du roi, James I, qui à son tour signala l'affaire à Sir Francis Bacon, attorney general (procureur général). Le juriste et philosophe (26) décida en faveur de l'equity et le souverain soutint sa décision: "étant donné que la miséricorde et la justice sont les véritables piliers de notre trône royal, et qu’il revient à notre charge de prince de s’assurer que la justice soit rendue à nos sujets de manière égale et impartiale ... leurs instances ne doivent pas être abandonnées, et destinées à succomber sous la rigueur et les excès de la loi »(27).

En cas de conflit, la priorité est donc donnée à l’equity. Cette victoire, en fait, commence à rapprocher de plus en plus la cour du Lord Chancelier des autres cours anglaises: on commence à conserver les prononcés dans les reports (rapports). Ces prononcés sont motivés, et on recourt de plus en plus aux précédents. Il en résulte une incapacité de trouver de nouvelles solutions. Certes demeurent les innovations majeures, telles que la création du trust et des remèdes dans une forme spécifique, qui continuent d’être réglementés par l’equity, mais aussi la triste réputation d'un organe qui, créé pour procéder rapidement, finit par se perdre en chicanes, privant de tutelle précisément ceux qui en ont le plus besoin (28).

 

Bibliographie.

(1) L’article fut publié dans ce magazine, le 15/10/2015.

(2) Les juristes et le représentants de la loi en Angleterre se formèrent dans les inns (hôtels), où les étudiants universitaires et les aspirants juristes étudiaient et vivaient ensemble, avec l'obligation de consommer les repas en commun. L'étude était accompagnée de la pratique assidue aux tribunaux, où les aspirants assistaient aux débats dans un espace appelé crib (mangeoire), tandis que les défenseurs argumentaient at bar (à la barre), devant le juge. Pour approfondissements, voir:

A. Gambaro - R. Sacco, Sistemi Giuridici Comparati, in Trattato di diritto comparato, Torino, 2008, V. Varano - V. Barsotti, La tradizione giuridica occidentale, Torino, 2014, U. Mattei,Il modello di common law, Torino, 2014.

(3) Le “statue de Northampton”, du 1328, prévoyait qu? aucun ordre personnel du souverain n’ interfère avec l'activité judiciaire.

(4) Le writ était ainsi nommé par l'injonction à comparaître au jugement sous peine d'amende. Pour un exemple d'une telle formule voir A. Gambaro - R. Sacco, op. cit., p. 72, n. 39. Dans l'acte manquait ce que le Code de procédure civile italien définit comme “l'objet et les motifs de la demande” (art. 163 c.p.c., co. 3 n. 3 et 4). Ce fait est incompatible avec les principes actuels d'un procès équitable (voir articles. 24 et 111 de la Constitution italienne, et le 6 de la CEDH), mais est parfaitement en ligne avec la procédure inquisitoire, qui non seulement assurait, de telle façon, l'authenticité des réponses du convenu, mais renforçait aussi le rapport d’appréhension entre le convenu et l'autorité judiciaire. Les derniers articles mentionnaient, également, que la pénalité n'a jamais été appliquée parce que le convenu récalcitrant risquait le contempt (outrage au Juge) (voir articles. 343, 388, 650 du Code pénal italien). Cette figure délictueuse devait, donc, produire des conséquences beaucoup plus graves qu’une amende.

(5) Voir. toutefois, les articles. 186 bis - 186 quarter et 614 bis du Code de procédure civile italien.

(6) Voir aussi les mots célèbres du corpus juris civilis: Juris praecepta sunt haec: honeste vivre, alterum non laedere,suum cuique tribuere (D. 1.1.10). “Les préceptes du droit sont les suivants: vivre honnêtement, on ne doit pas léser le prochain et on doit rendre à chacun ce qui lui est dû”. À cet égard, voir l’opinion de H. Kelsen en Qu'est-ce que la justice?, dans Problemi sulla giustizia A. Catania (eds), Salerno, 1997, 173 ss.

(7) Voir. articles. 330, 832, 844, 833, 2 793 du Code civil, CCS 2, §§ 242, 262, 826 BGB. La littérature sur le sujet de l'abus du droit est particulièrement vaste et donc on renvoie simplement, même pour les aspects de droit comparé, entre autres, à: M. Rotondi, l’abuso del diritto, Riv. dir. civ., 1923, 105 ss (Italie)., P. Rescigno, l’abuso del diritto, Bologna, 1998, 13ss et ., S. Romano, l’abuso del diritto, Enc. Dir., I, Milano, 1958, 168 ss., S. Patti, l’abuso del diritto, Dig. Disc. Priv. sez. civ., Torino, 1987 2 ss., G.B. Portale, L'exceptio doli generalisLezioni di diritto privato comparato, et II., Torino, 2007, p. 156, R.T. Bonanzinga, Abuso del diritto e rimedi esperibili, in Comparazione e diritto civile.

(8) R. Sacco, Introduzione al Diritto Comparato, in Trattato di Diritto Comparato, Torino, 2002, p. 41. Sur ce thème voir aussi p. 27-41.

(9) Si le juge recherche l'intention du législateur, il ne peut pas le remplacer. Dans la législation suisse, cependant, l'art. 1, alinéa 2 du CCS du 1907, permet au juge de décider dans les cas non prévus par la loi selon la coutume, et à défaut de cette loi, conformément à la règle qu'il adopterait en tant que législateur.

(10) La norme vise à empêcher que le créancier s’enrichisse injustement en raison du manquement. Voir. Cass., Pat civ., envoyé. n. 18128 du 13/09/2005, in Foro it., 2006, I, 432 avec note AL Bitetto. La Cour de légitimité souligne également l’objectivité du critère que le juge doit utiliser pour l’évaluation de l’excessivité, conformément à l'art. 1384 du Code civil italien, en considérant seulement le déséquilibre entre les positions des parties (Cass., sez. II civ.,sent. N ° 7180 del 10/05/2012).

(11) F. Gazzoni, Manuale di Diritto Privato, Napoli, 2006, p. 33.

(12) Voir. Constitution italienne, sent. n. 206 du 07/06/2004, qui a déclaré l'inconstitutionnalité du texte précédent à l’alinéa 2 de l'art. 113 du Code de procédure civile italien. Précisément dans la partie qui ne prévoit pas que le juge de paix doive respecter les principes directeurs du sujet. Voir aussi Cass., Sez. I civ., sent. n. 14611 du 23/06/2009, selon laquelle le juge a quoiqu’il en soit l'obligation de rendre compréhensible la procédure logico-intuitive pour déterminer la règle équitable et il doit vérifier si cette règle est en conflit avec les principes qui sous-tendent la discipline législative .

(13) Pour approfondissement, voir D. Santillana, Istituzioni di diritto musulmano malechita, II., Roma, 1938, D. Pioppi, Declino e rinascita di un’istituzione islamica: il waqf nell’Egitto contemporaneo, Roma, 2009, E. Lewis Beverley, “Waqf” e attivismo giuridico musulmano nell’Asia meridionale coloniale all’inizio del Novecento, Quaderni storici, Bologna, 2009.

(14) Voir A. Gambaro - R. Sacco, op. cit., p. 75.

(15) L'expression est contenue dans A. Gambaro - R. Sacco, Ibid.

(16) Voir A. Gambaro - R. Sacco, op. cit., p. 76-78. Toute personne désireuse d'explorer l'institution en question, peut voir J. Glister, J. Lee (eds), Hanbury et Martin: Modern Equity, XX ed., 2015, C. Mitchell, P. Mitchell (eds.), Landmark Cases in Equity, 2012, ou le site Web bailii.org pour une série de cas. En droit italien, parmi les nombreux qui ont traité la question, v. C. Buccico, Gli aspetti civilistici e fiscali del trust, Torino, 2015, F. Cerri, Trust, affidamento fiduciario e fiducie. Tre modi di declinare la fiducia nel quadro del diritto europeo, Milano, 2015, L. Di Costanzo, Il trust e le sue applicazioni, Napoli, 2014, G. Sciancalepore, L’Italia si conferma ordinamento no trust (spigolando oltre ogni contaminazione), in Comparazione e diritto civile, M. Lupoi, Istituzioni del diritto dei Trust e degli affidamenti fiduciari, Trento, 2011.

(17) Voir Art. 6-10.

(18) Textuellement en italien: “… quanto meno …” (au moins)

(19) F. Gazzoni, op. cit., Napoli, 2006, p. 983.

(20) Pour une analyse de la relation de l'institution avec d'autres semblables, v. ex multis: A. Saturno, Il trust in civil law, en G. Autorino (eds) L’insegnamento dei sistemi giuridici comparati Salerno, 1999, V. Bancone, Il trust, dalla Convenzione dell’Aja al Draft Common Frame of Reference, Roma, 2012, G. Biasini - F. Rota, Il trust e gli istituti affini in Italia, Milano, 2012, F. Di Ciommo, Il trust nello scenario internazionale e la sua operatività in Italia alla luce dell’art. 2645-ter, www.treccani.it, I. Ferrara, Negozio fiduciario, trust e patrimoni destinati: profili distintivi, dans cette magazine, 7/10/2015, E. Senatore, La costituzione del trust a favore dei disabili e degli altri soggetti deboli, ibidem, 20/10/2015. Il convient, toutefois, de rappeler que le trust peut également être utilisé pour l'administration des biens d'un sujet “non debole” (c’est-à-dire le sujet qui n’est pas classifié comme sujet faible) et dans son intérêt exclusif, il n’est pas nécessairement lié à des objectifs philanthropiques.

(21) Le législateur, il est à peine nécessaire de souligner, utilise depuis la rubrique la même formule de l’art. 1322, co. 2 cc (Liberté contractuelle). Pour plus de clarté il faut se reporter au texte de l'art. 2645 ter du Code civil italien : "La transcription des actes de destination pour la réalisation des intérêts dignes de protection liés aux personnes handicapées, à l’Administration Publique ou aux autres organisations ou individus. Les actes en forme publique par lesquels les biens immeubles ou meubles sont enregistrés dans les registres publics, sont destinés pour une période ne dépassant pas quatre-vingt-dix ans, ou pour la durée de vie du bénéficiaire individuel, à la réalisation des intérêts dignes de protection liés aux personnes handicapées dans l'Administration Publique, ou aux autres organisations ou individus conformément à l'article 1322, deuxième alinéa. Ces biens peuvent être transcrits afin de rendre opposable aux tiers l’obligation de destination. Pour la réalisation de ces intérêts peut agir, en plus de l’apporteur, tout intéressé au cours de la vie de l’apporteur lui-même. Les biens transférés et leurs actifs peuvent être utilisés seulement pour la réalisation de la destination et ils peuvent être soumis à l'exécution, à l'exception prévue par l'article 2915, premier alinéa, seulement à des dettes contractées à cette fin ". Selon Gazzoni, op. cit., p. 984, l’acte de destination est différent du trust, car il ne crée pas les conditions pour mettre les biens sur le marché, ou pour un patrimoine séparé dans le sens strict mais il suit le principe d'authenticité, même de la transcription.

(22) Sur le sujet voir V. Lucia, Esecuzione forzata senza revocatoria: fondo patrimoniale, trust e donazione dopo il DL n. 83 del 27 giugno 2015, article publié dans ce magazine, 02/07/2015.

(23) Voir A. Gambaro - R. Sacco, op. cit., p. 77 ss..

(24) J. Selden, Table Talk, London, 1689, cité en M.B. Evans - R.I. Jack (eds), Sources of English Legal and Constitutional History, Sydney, 1984, p. 223-224 (t.d.a.).

(25) En (1615) 1 Ch Rep 1, (1615) 21 ER 485.

(26) En 1618, il fut nommé Lord Chancelier, seulement pour être destitué et arrêté en 1622 pour certains cas de corruption. Parmi ses accusateurs il avait encore Coke. Il fut condamné à une amende de 40.000 livres et emprisonné dans la Tour de Londres, dont il est sorti quelques jours plus tard gracié par le roi. Il se retira à la vie privée, et il se consacra à ses études.

(27) D. Kerly, An historical sketch of the equitable jurisdiction of the Court of Chancery, Cambridge, 1890, p. 114 (t.d.a.).

(28) Cet aspect est raconté par C. Dickens dans Bleak House (la Maison Désolée), Londres, 1852-1853. Il s’agit de l’affaire "Jarndyce contre Jarndyce" concernant un legs contesté par divers héritiers. Le processus avait déjà coûté entre 60.000 et 70.000 livres sterling en frais juridiques seulement. Tout avocat honnête, dit Dickens, aurait recommandé de subirer un tort plutôt que d'aller devant une Cour.